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par contact@baghezza.fr 14 janv., 2019

La dernière vague post-coloniale, diasporas en voie de sédentarisation ou remigration ?

La dernière vague migratoire musulmane, est la plus significative de l’histoire, d’abord parce qu’elle nous concerne directement. Nos contemporains musulmans sont en effet, le fruit de cette immigration massive - voulue il faut le rappeler d’abord par les élites dirigeantes françaises au lendemain de la guerre - mais aussi parce qu’elle concentre toutes les tensions actuelles.

Les générations successives de musulmans nés en France, constituent désormais des minorités importantes, françaises de fait et ré-islamisées à partir des années 80, sous l’influence de terrain du militantisme associatif musulman immigré, appuyé par l‘arrivée massive des chaînes satellitaires arabes et enfin aujourd’hui, avec la brusque apparition d'une génération connectée sur l’islam 2.0, autrement appelé « cheikh Google », qui construit une appartenance religieuse libre et une identité cultuelle déconnectée de la vie sociale et culturelle dominante.

Les musulmans de France, constituent toujours - malgré la francité des plus jeunes - des communautés, des diasporas, aux mentalités et mœurs hybrides. A la fois attachés au creuset communautaire d’où ils sont respectivement issus, ils affichent néanmoins une affirmation citoyenne et française, au moins dans le discours.

Leur nombre sujet de polémiques régulières est suffisamment important pour susciter un débat sérieux et rationnel. Il y a aujourd’hui plus de musulmans en France qu’en Bahreïn, qu’aux Émirats arabes ou au Koweït, qu’en Mauritanie, Libye, ou même en Palestine.

Malgré, une maîtrise des codes et de la culture dominante française, la double appartenance culturelle des musulmans (communauté d’origine et nationalité française), présentée comme une richesse et un atout, voire une nécessité identitaire, devient aujourd’hui une question nationale.

Le discours islamophobe ambiant, résurgence de l’islamo-scepticisme historique français, la peur viscérale d’une « islamisation » - assumée y compris par les médias dominants 1 - la pression migratoire et le climat terroriste, engendrent un contexte particulièrement tendu pour aborder la question musulmane.

Les dernières décennies, ont été aussi caractérisées par des tentatives d’organisation de l’islam français, qui aboutissent fatalement – comme pour les lois scolaires - sur la volonté de modifier la loi 1905, afin de l’adapter à un contrôle plus raffiné de la nouvelle question musulmane.

Les élites françaises en continuant de promouvoir une immigration massive, ainsi qu’un discours multiculturaliste ont contribué à pérenniser les diasporas musulmanes et retarder ainsi, l’émergence d’une contribution musulmane française assumée et réfléchie. Comment peut-on construire une organisation nationale de l’islam en France, en laissant les puissances étrangères, garder un contrôle communautaire de leurs diasporas ?

Une remigration volontaire ou imposée risque t’elle d’arriver avant un conflit civil majeur ?

Comment les générations prochaines de musulmans nés en France, peuvent-elles secréter une théologie endogène, malgré le maintien d’une immigration permanente, de diasporas musulmanes transplantées dans un nouveau contexte musulman européen sécularisé ?

Autrement dit, un islam « français » peut-il voir le jour si ses pratiquants, sont répartis entre une moitié française de fait et une part de plus en plus importantes de fidèles des mosquées, venue des terres d’islam et qui parlent près de 30 langues et dialectes différents, tout en restant attachés à leurs mentalités, cultures, visions du monde acquises par leur socialisation dans leur pays d’origine ?

On assiste nécessairement à un conflit entre deux formes de socialisation des musulmans. L’une (encore majoritaire ?) française, nationale et l’autre toujours plus importante, concerne des peuples socialisés dans des pays musulmans qui continuent d’arriver par la voie migratoire légale ou pas. Ainsi la question taboue, du rôle prétendu vertueux de l’immigration musulmane au sein de l’islam en France doit être posée.

Au-delà des idéaux affichés de fraternité musulmane, qui dissimulent mal, l’impossible convergence des intérêts diasporiques musulmans. Un islam civilisationnel occidental peut-il enfin émerger après les trois vagues historiques avortées, dans le contexte actuel ?

Autant de questions, non exhaustives, qui posent les contours du débat, sur la pérennité ou la sortie de l’islam de France et d'Europe.

L’immigration est-elle une chance pour l’islam en France ?

Voilà l’épineuse question qu’il faut assumer de poser, dans le débat intra-communautaire et national. Question difficile à soumettre, car elle correspond d’abord à la cause principale de la présence musulmane elle-même, comment contester ou questionner le processus qui nous a engendrés ?

Mais elle suscite aussi un sentiment de trahison, et un manque de solidarité avec nos semblables apparents, comment remettre en cause le parcours migratoire, semblable à celui de nos pères ?

Si l’immigration musulmane, peut être perçue par les élites communautaires, comme un atout politique - renforcement du lien consulaire, poids électoral dans les mosquées - elle se confrontera naturellement à une crise ethnoculturelle classique dans l’histoire musulmane,. Une concurrence des élites intra-communautaires, françaises et étrangères et une influence, voire un entrisme toujours plus grand des pays d’origine.

De l’islam dit « bledard » vs celui des « francophones » des années 90, aux réalités protéiformes des enjeux et les lignes de démarcation d’aujourd’hui, la question musulmane est devenue éminemment complexe. Les espaces de conflits et de divergences d’intérêts sont devenus si nombreux. Autant de combats fratricides, qui ralentiront encore plus la cohésion des organisations musulmanes.

D’autant plus que l’ingérence du politique et du monde médiatique, viennent encore renforcer le caractère de dominés des musulmans, incapables d’imposer dans le débat publiques des porte-paroles légitimes.
La question démographique et ethnoculturelle longtemps négligée dans le discours public comme au sein des communautés musulmanes de France, se posera nécessairement, dans les configurations prochaines de l’islam en France.

Répondre à cet ultime défi, de l’éclosion d’un islam de l’ouest-européen, caractérisé par une théologie endogène, à l’instar de l’islam des Balkans, est selon nous la question communautaire essentielle. Pour cela des questions préalables devront être réglées.

Voulons-nous rester et nous penser minoritaires ou des velléités de domination démographique (au moins localisées), naissent- elles dans l’esprit de leaders musulmans intéressés ?
L’islam en France a t-il un avenir s’il reste la religion de communautés culturelles établies et renfermées ?
Une théologie unitaire française peut-elle être produite, si les différents courants théologiques continuent de cohabiter voire de rivaliser au sein des communautés musulmanes ?
L’islam africain, souvent confrérique, les sujets perpétuels de sa majesté Mohammed VI, les jeunes ottomans et janissaires en devenir, les convertis de souche résistant à la maghrebinisation de leur mentalité, les rescapés orientaux et migrants engendrés par les guerres néocoloniales occidentales, les réfugiés climatiques musulmans, ou le surplus démo
Ou ce melting-pot communautaire annonce- t-il la sécession affirmée par François Hollande, donc la partition de la France et in fine la guerre civile ?

Si à Clichy les élus aux écharpes tricolores chantaient la Marseillaise contre appel à la prière de rue, alors cette image constitue-t-elle le choc ultime entre l’islam et la France républicaine ?

Quel avenir dans un contexte français difficile ?

La tentation communautariste est évidente parce qu’elle est déjà un fait établi dans le réel, dans l’urbanité et même à la campagne aujourd’hui.
La peur de l’assimilation ethno-religieuse, qui a fait disparaître les présences musulmanes successives, depuis 711, est-elle légitime en 2019 ?

Paradoxalement nous pensons qu'aujourd'hui, une assimilation culturelle, intellectuelle et socio-économique volontaire et programmée, doublée d’une institutionalisation communautaire de la théologie - influencée par l’histoire intellectuelle et philosophique française - est la garantie d’une contribution civilisationnelle positive de l’islam et sa sédentarisation définitive en France.
Donc in fine, la survie des musulmans français.

Le communautarisme et le maintien des diasporas, représente le cœur des difficultés musulmanes en France, le premier facteur de division, de dégénérescence intellectuelle et l’origine de la faiblesse d’un islam civilisationnel enraciné en Europe de l’Ouest.

A condition que les musulmans de France, aient le courage d’ouvrir le débat sur l’immigration et ses conséquences, socio-économiques d’une part, (40 % de chômage en banlieue), politiques et théologiques d’autre part. Ouvrir ce débat nécessite en effet, un courage politique et une révolution mentale.Elle nécessite de se penser européen et français.

D’abord français, parce que la France et l’islam, c’est une relation singulière en Europe, différente de l’Allemagne, de l’Angleterre et même de l’Espagne pourtant ancien territoire sous domination califale durrant 800 ans.

On peut au choix retenir, la Reconquista, les croisades, les guerres coloniales, l’islamophobie savante d’hier et la médiatique d’aujourd’hui, la trahison des harkis par la France et les discriminations, pour construire un militantisme identitaire efficace, mais l’on peut aussi, construire un nouveau récit national inclusif.

Une histoire de France, où, Charlemagne, François 1er, Louis XIV, Jacques Menou, le docteur Grenier, les saint-simoniens, les fusionnistes, l’orientalisme intéressé et tant d’autres épisodes et personnages islamophiles ou respectueux, serviront de pont et de figures d’union, pour contribuer à créer, un nouveau discours musulman, pour une nouvelle société française.

Des français musulmans fiers de leur héritage spirituel, mystique, théologique, intellectuel, préservé voire ressuscité, intelligemment au sein d’institutions scientifiques nationales, dédiées à la préservation orale du texte sacré, à la langue arabe liturgique et au patrimoine musulman, tout en construisant une théologie nationale indépendante, une école française de droit, de doctrine, de spiritualité et de pensée musulmane nationale, reliée scientifiquement aux inombrables espaces et haut lieux de tradition savante dans le monde de l'islam.

Une nouvelle société française apaisée, qui assume son identité musulmane historique, tout en affirmant son socle identitaire dominant, ethnoculturel européen, helléno-catholique sans honte. La France et l’islam c’est une longue histoire passionnée et violente de 15 siècles.

Il ne tient qu’à nous, musulmans de France de penser, la France comme empire culturel, comme la première puissance musulmane d’Occident, qu’elle a toujours été.

Une France européenne mais aussi africaine, une France méditerranéenne et d’outre-mer, une France turcophile, et protectrice des chrétiens d’Orient, une troisième voie, francophone dans un monde multipolaire nécessaire, où sa voix portera et sera entendue, afin de freiner sa lente disqualification internationale et son alignement avec les intérêts anglo-saxons, à la fois anti-français et particulièrement meurtriers avec les musulmans d’orient depuis 1991.

Si la France outre marine existe, si la France est la première puissance présente sur trois océans, si la France d’outre-mer c’est 80 % de la biodiversité française, si l’outre-mer a contribué à faire de la France une puissance spatiale, il est évident, aussi que l’outre-mer n’est pas d’origine gauloise, ni de race blanche !
On peut pour des considérations raciales et identitaires, saborder et se débarrasser de l’outre-mer, qui nous couterait si cher en aides sociales, mais ce serait une perte stratégique énorme pour notre pays.

Comme la France d’outre-mer – si loin de nos ancêtres les gaulois -, caractérisée aussi par une histoire violente et des injustices historiques, la France puissance musulmane, est une possibilité géopolitique et historique unique.

Se penser minoritaire, imaginer notre assimilation ethnoculturelle définitive, réduire à un minimum raisonnable les diasporas musulmanes, produire une théologie endogène et légitime, se positionner sur la question migratoire et démographique, sont les préalables à la survie de l’islam en France.
Sinon elle restera la religion identitaire de communautés diverses et déracinées, en conflit interne permanent et la preuve de la non universalité de l’islam.

Si nous souhaitons contribuer à la réussite de l’équipe de France au-delà de celle du ballon, il faut passer un cap, et reformer notre logiciel communautaire. Penser équipe de France, sur le plan économique, de la francophonie, géostratégique, militaire, européen et souverainiste … et non communauté musulmane locale.

Il faut désormais penser, non pas l’intérêt des musulmans au sein de la France, dans une bataille de droits et de lutte juridique, de gains communautaristes médiocres, portés par les lobbyistes en tout genre pour leurs intérêts limités, mais imaginer la France puissance. Là où certains se battent pour manger de la junk food hallalisé, nous devrions porter une voie française dissidente à l’échelle mondiale pour défendre nos intérêts nationaux. Là où les uns pensent malbouffe et fashion-victim, nous devrions penser énergie du futur, terres rares, union méditerranéenne, paix au Proche orient, ou développement du Sahara ...

Penser plus grand, ne plus penser communautaire, mais national et mondial, raisonner à l’échelle de la civilisation et de l’histoire.

Il nous faut intégrer dans notre univers mental, le désir de puissance nationale et culturelle de la France, au lieu de jouer pour les petits intérêts des autres pays musulmans.  Puisqu’il faut choisir une puissance tutélaire, autant choisir la nôtre !
La seule qui peut nous unir et sur laquelle nous pouvons avoir une influence, c’est la puissance française.

Autant donc jouer pour notre équipe et tant pis pour les chefs d’état musulmans, qui nous percevrons toujours, au mieux comme des expatriés, au pire comme des éléments subversifs entre les mains de leurs services.

Nous imaginer français, à part entière, avec un désir ardent de positionnement mondial, dans l’intérêt exclusif de notre pays, et voir les autres pays musulmans comme des états étrangers alliés ou adversaires, comme ils le sont entre eux, sans que l’islam ne soit facteur décisif.

Il s’agit de se penser comme français à la recherche de la meilleure position géopolitique pour notre pays. Rechercher en permanence l’intérêt national avant l’intérêt communautaire, car là où se trouve l’intérêt de la France, il y a nécessairement l’intérêt de l’islam religion française.

L’islam doit être un atout pour la France, dans sa diplomatie, son positionnement géostratégique et économique.

Militer pour que notre pays adhère comme membre observateur à l’organisation de la Conférence Islamique (tel l’Inde ou la Russie) comme nouvelle puissance musulmane européenne, serait inédit et contribuerait à faire des musulmans de France des acteurs engagés dans l’intérêt national et international.

La présence musulmane en France est source de crainte et de tensions légitimes de la part du corps national, mais elle peut devenir aussi un facteur géostratégique – comme souvent dans notre histoire – pour faire des musulmans, les meilleurs joueurs de l’équipe de France.

C’est à ce prix, que les autres questions (alimentaire, vestimentaire, cultuelle …) deviendront secondaires et ne résisteront pas à l’aplanissement du temps, pour devenir quasi folkloriques pour les français autochtones et sans effets politiques.

Les musulmans de France seront donc, soit la cause du nouveau rayonnement international de la France par sa politique musulmane ou alors la source de séparatismes et de conflits, qui amèneront de fait à la communautarisation généralisée, ethnoreligieuse avec toutes les tensions et l’affaissement intellectuel qui en résultera.

Nous sommes à la croisée des chemins, il faudra choisir, re-migration, communautarisation ethnique sous prétexte religieux, ou assimilation.

Nous sommes tels les compagnons du Prophète de l’islam, au VIIème siècle, musulmans originels, arabes bédouins au cœur de la puissance perse, chinoise, ou indienne.

Allons-nous faire disparaître l’identité ethnoculturelle du bédouin arabe, pour léguer l’universel de l’islam au peuple endogène, ou voulons-nous arabiser et « bédouiniser » les perses, les chinois ou les indiens ?

Les premiers musulmans ont su dissoudre leur ethnicité et culture d’origine, pour ancrer l’islam chez les peuples anciens.

Allons-nous réussir le même défi ?

Ce sont nos enfants qui décideront, mais c’est nous qui ouvrirons le débat.


Paris le 08 janvier  2019.

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1 Inch'allah : l'islamisation à visage découvert . Gérard Davet, Fabrice Lhomme Fayard 2018


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par contact@baghezza.fr 14 janv., 2019

La dernière vague post-coloniale, diasporas en voie de sédentarisation ou remigration ?

La dernière vague migratoire musulmane, est la plus significative de l’histoire, d’abord parce qu’elle nous concerne directement. Nos contemporains musulmans sont en effet, le fruit de cette immigration massive - voulue il faut le rappeler d’abord par les élites dirigeantes françaises au lendemain de la guerre - mais aussi parce qu’elle concentre toutes les tensions actuelles.

Les générations successives de musulmans nés en France, constituent désormais des minorités importantes, françaises de fait et ré-islamisées à partir des années 80, sous l’influence de terrain du militantisme associatif musulman immigré, appuyé par l‘arrivée massive des chaînes satellitaires arabes et enfin aujourd’hui, avec la brusque apparition d'une génération connectée sur l’islam 2.0, autrement appelé « cheikh Google », qui construit une appartenance religieuse libre et une identité cultuelle déconnectée de la vie sociale et culturelle dominante.

Les musulmans de France, constituent toujours - malgré la francité des plus jeunes - des communautés, des diasporas, aux mentalités et mœurs hybrides. A la fois attachés au creuset communautaire d’où ils sont respectivement issus, ils affichent néanmoins une affirmation citoyenne et française, au moins dans le discours.

Leur nombre sujet de polémiques régulières est suffisamment important pour susciter un débat sérieux et rationnel. Il y a aujourd’hui plus de musulmans en France qu’en Bahreïn, qu’aux Émirats arabes ou au Koweït, qu’en Mauritanie, Libye, ou même en Palestine.

Malgré, une maîtrise des codes et de la culture dominante française, la double appartenance culturelle des musulmans (communauté d’origine et nationalité française), présentée comme une richesse et un atout, voire une nécessité identitaire, devient aujourd’hui une question nationale.

Le discours islamophobe ambiant, résurgence de l’islamo-scepticisme historique français, la peur viscérale d’une « islamisation » - assumée y compris par les médias dominants 1 - la pression migratoire et le climat terroriste, engendrent un contexte particulièrement tendu pour aborder la question musulmane.

Les dernières décennies, ont été aussi caractérisées par des tentatives d’organisation de l’islam français, qui aboutissent fatalement – comme pour les lois scolaires - sur la volonté de modifier la loi 1905, afin de l’adapter à un contrôle plus raffiné de la nouvelle question musulmane.

Les élites françaises en continuant de promouvoir une immigration massive, ainsi qu’un discours multiculturaliste ont contribué à pérenniser les diasporas musulmanes et retarder ainsi, l’émergence d’une contribution musulmane française assumée et réfléchie. Comment peut-on construire une organisation nationale de l’islam en France, en laissant les puissances étrangères, garder un contrôle communautaire de leurs diasporas ?

Une remigration volontaire ou imposée risque t’elle d’arriver avant un conflit civil majeur ?

Comment les générations prochaines de musulmans nés en France, peuvent-elles secréter une théologie endogène, malgré le maintien d’une immigration permanente, de diasporas musulmanes transplantées dans un nouveau contexte musulman européen sécularisé ?

Autrement dit, un islam « français » peut-il voir le jour si ses pratiquants, sont répartis entre une moitié française de fait et une part de plus en plus importantes de fidèles des mosquées, venue des terres d’islam et qui parlent près de 30 langues et dialectes différents, tout en restant attachés à leurs mentalités, cultures, visions du monde acquises par leur socialisation dans leur pays d’origine ?

On assiste nécessairement à un conflit entre deux formes de socialisation des musulmans. L’une (encore majoritaire ?) française, nationale et l’autre toujours plus importante, concerne des peuples socialisés dans des pays musulmans qui continuent d’arriver par la voie migratoire légale ou pas. Ainsi la question taboue, du rôle prétendu vertueux de l’immigration musulmane au sein de l’islam en France doit être posée.

Au-delà des idéaux affichés de fraternité musulmane, qui dissimulent mal, l’impossible convergence des intérêts diasporiques musulmans. Un islam civilisationnel occidental peut-il enfin émerger après les trois vagues historiques avortées, dans le contexte actuel ?

Autant de questions, non exhaustives, qui posent les contours du débat, sur la pérennité ou la sortie de l’islam de France et d'Europe.

L’immigration est-elle une chance pour l’islam en France ?

Voilà l’épineuse question qu’il faut assumer de poser, dans le débat intra-communautaire et national. Question difficile à soumettre, car elle correspond d’abord à la cause principale de la présence musulmane elle-même, comment contester ou questionner le processus qui nous a engendrés ?

Mais elle suscite aussi un sentiment de trahison, et un manque de solidarité avec nos semblables apparents, comment remettre en cause le parcours migratoire, semblable à celui de nos pères ?

Si l’immigration musulmane, peut être perçue par les élites communautaires, comme un atout politique - renforcement du lien consulaire, poids électoral dans les mosquées - elle se confrontera naturellement à une crise ethnoculturelle classique dans l’histoire musulmane,. Une concurrence des élites intra-communautaires, françaises et étrangères et une influence, voire un entrisme toujours plus grand des pays d’origine.

De l’islam dit « bledard » vs celui des « francophones » des années 90, aux réalités protéiformes des enjeux et les lignes de démarcation d’aujourd’hui, la question musulmane est devenue éminemment complexe. Les espaces de conflits et de divergences d’intérêts sont devenus si nombreux. Autant de combats fratricides, qui ralentiront encore plus la cohésion des organisations musulmanes.

D’autant plus que l’ingérence du politique et du monde médiatique, viennent encore renforcer le caractère de dominés des musulmans, incapables d’imposer dans le débat publiques des porte-paroles légitimes.
La question démographique et ethnoculturelle longtemps négligée dans le discours public comme au sein des communautés musulmanes de France, se posera nécessairement, dans les configurations prochaines de l’islam en France.

Répondre à cet ultime défi, de l’éclosion d’un islam de l’ouest-européen, caractérisé par une théologie endogène, à l’instar de l’islam des Balkans, est selon nous la question communautaire essentielle. Pour cela des questions préalables devront être réglées.

Voulons-nous rester et nous penser minoritaires ou des velléités de domination démographique (au moins localisées), naissent- elles dans l’esprit de leaders musulmans intéressés ?
L’islam en France a t-il un avenir s’il reste la religion de communautés culturelles établies et renfermées ?
Une théologie unitaire française peut-elle être produite, si les différents courants théologiques continuent de cohabiter voire de rivaliser au sein des communautés musulmanes ?
L’islam africain, souvent confrérique, les sujets perpétuels de sa majesté Mohammed VI, les jeunes ottomans et janissaires en devenir, les convertis de souche résistant à la maghrebinisation de leur mentalité, les rescapés orientaux et migrants engendrés par les guerres néocoloniales occidentales, les réfugiés climatiques musulmans, ou le surplus démo
Ou ce melting-pot communautaire annonce- t-il la sécession affirmée par François Hollande, donc la partition de la France et in fine la guerre civile ?

Si à Clichy les élus aux écharpes tricolores chantaient la Marseillaise contre appel à la prière de rue, alors cette image constitue-t-elle le choc ultime entre l’islam et la France républicaine ?

Quel avenir dans un contexte français difficile ?

La tentation communautariste est évidente parce qu’elle est déjà un fait établi dans le réel, dans l’urbanité et même à la campagne aujourd’hui.
La peur de l’assimilation ethno-religieuse, qui a fait disparaître les présences musulmanes successives, depuis 711, est-elle légitime en 2019 ?

Paradoxalement nous pensons qu'aujourd'hui, une assimilation culturelle, intellectuelle et socio-économique volontaire et programmée, doublée d’une institutionalisation communautaire de la théologie - influencée par l’histoire intellectuelle et philosophique française - est la garantie d’une contribution civilisationnelle positive de l’islam et sa sédentarisation définitive en France.
Donc in fine, la survie des musulmans français.

Le communautarisme et le maintien des diasporas, représente le cœur des difficultés musulmanes en France, le premier facteur de division, de dégénérescence intellectuelle et l’origine de la faiblesse d’un islam civilisationnel enraciné en Europe de l’Ouest.

A condition que les musulmans de France, aient le courage d’ouvrir le débat sur l’immigration et ses conséquences, socio-économiques d’une part, (40 % de chômage en banlieue), politiques et théologiques d’autre part. Ouvrir ce débat nécessite en effet, un courage politique et une révolution mentale.Elle nécessite de se penser européen et français.

D’abord français, parce que la France et l’islam, c’est une relation singulière en Europe, différente de l’Allemagne, de l’Angleterre et même de l’Espagne pourtant ancien territoire sous domination califale durrant 800 ans.

On peut au choix retenir, la Reconquista, les croisades, les guerres coloniales, l’islamophobie savante d’hier et la médiatique d’aujourd’hui, la trahison des harkis par la France et les discriminations, pour construire un militantisme identitaire efficace, mais l’on peut aussi, construire un nouveau récit national inclusif.

Une histoire de France, où, Charlemagne, François 1er, Louis XIV, Jacques Menou, le docteur Grenier, les saint-simoniens, les fusionnistes, l’orientalisme intéressé et tant d’autres épisodes et personnages islamophiles ou respectueux, serviront de pont et de figures d’union, pour contribuer à créer, un nouveau discours musulman, pour une nouvelle société française.

Des français musulmans fiers de leur héritage spirituel, mystique, théologique, intellectuel, préservé voire ressuscité, intelligemment au sein d’institutions scientifiques nationales, dédiées à la préservation orale du texte sacré, à la langue arabe liturgique et au patrimoine musulman, tout en construisant une théologie nationale indépendante, une école française de droit, de doctrine, de spiritualité et de pensée musulmane nationale, reliée scientifiquement aux inombrables espaces et haut lieux de tradition savante dans le monde de l'islam.

Une nouvelle société française apaisée, qui assume son identité musulmane historique, tout en affirmant son socle identitaire dominant, ethnoculturel européen, helléno-catholique sans honte. La France et l’islam c’est une longue histoire passionnée et violente de 15 siècles.

Il ne tient qu’à nous, musulmans de France de penser, la France comme empire culturel, comme la première puissance musulmane d’Occident, qu’elle a toujours été.

Une France européenne mais aussi africaine, une France méditerranéenne et d’outre-mer, une France turcophile, et protectrice des chrétiens d’Orient, une troisième voie, francophone dans un monde multipolaire nécessaire, où sa voix portera et sera entendue, afin de freiner sa lente disqualification internationale et son alignement avec les intérêts anglo-saxons, à la fois anti-français et particulièrement meurtriers avec les musulmans d’orient depuis 1991.

Si la France outre marine existe, si la France est la première puissance présente sur trois océans, si la France d’outre-mer c’est 80 % de la biodiversité française, si l’outre-mer a contribué à faire de la France une puissance spatiale, il est évident, aussi que l’outre-mer n’est pas d’origine gauloise, ni de race blanche !
On peut pour des considérations raciales et identitaires, saborder et se débarrasser de l’outre-mer, qui nous couterait si cher en aides sociales, mais ce serait une perte stratégique énorme pour notre pays.

Comme la France d’outre-mer – si loin de nos ancêtres les gaulois -, caractérisée aussi par une histoire violente et des injustices historiques, la France puissance musulmane, est une possibilité géopolitique et historique unique.

Se penser minoritaire, imaginer notre assimilation ethnoculturelle définitive, réduire à un minimum raisonnable les diasporas musulmanes, produire une théologie endogène et légitime, se positionner sur la question migratoire et démographique, sont les préalables à la survie de l’islam en France.
Sinon elle restera la religion identitaire de communautés diverses et déracinées, en conflit interne permanent et la preuve de la non universalité de l’islam.

Si nous souhaitons contribuer à la réussite de l’équipe de France au-delà de celle du ballon, il faut passer un cap, et reformer notre logiciel communautaire. Penser équipe de France, sur le plan économique, de la francophonie, géostratégique, militaire, européen et souverainiste … et non communauté musulmane locale.

Il faut désormais penser, non pas l’intérêt des musulmans au sein de la France, dans une bataille de droits et de lutte juridique, de gains communautaristes médiocres, portés par les lobbyistes en tout genre pour leurs intérêts limités, mais imaginer la France puissance. Là où certains se battent pour manger de la junk food hallalisé, nous devrions porter une voie française dissidente à l’échelle mondiale pour défendre nos intérêts nationaux. Là où les uns pensent malbouffe et fashion-victim, nous devrions penser énergie du futur, terres rares, union méditerranéenne, paix au Proche orient, ou développement du Sahara ...

Penser plus grand, ne plus penser communautaire, mais national et mondial, raisonner à l’échelle de la civilisation et de l’histoire.

Il nous faut intégrer dans notre univers mental, le désir de puissance nationale et culturelle de la France, au lieu de jouer pour les petits intérêts des autres pays musulmans.  Puisqu’il faut choisir une puissance tutélaire, autant choisir la nôtre !
La seule qui peut nous unir et sur laquelle nous pouvons avoir une influence, c’est la puissance française.

Autant donc jouer pour notre équipe et tant pis pour les chefs d’état musulmans, qui nous percevrons toujours, au mieux comme des expatriés, au pire comme des éléments subversifs entre les mains de leurs services.

Nous imaginer français, à part entière, avec un désir ardent de positionnement mondial, dans l’intérêt exclusif de notre pays, et voir les autres pays musulmans comme des états étrangers alliés ou adversaires, comme ils le sont entre eux, sans que l’islam ne soit facteur décisif.

Il s’agit de se penser comme français à la recherche de la meilleure position géopolitique pour notre pays. Rechercher en permanence l’intérêt national avant l’intérêt communautaire, car là où se trouve l’intérêt de la France, il y a nécessairement l’intérêt de l’islam religion française.

L’islam doit être un atout pour la France, dans sa diplomatie, son positionnement géostratégique et économique.

Militer pour que notre pays adhère comme membre observateur à l’organisation de la Conférence Islamique (tel l’Inde ou la Russie) comme nouvelle puissance musulmane européenne, serait inédit et contribuerait à faire des musulmans de France des acteurs engagés dans l’intérêt national et international.

La présence musulmane en France est source de crainte et de tensions légitimes de la part du corps national, mais elle peut devenir aussi un facteur géostratégique – comme souvent dans notre histoire – pour faire des musulmans, les meilleurs joueurs de l’équipe de France.

C’est à ce prix, que les autres questions (alimentaire, vestimentaire, cultuelle …) deviendront secondaires et ne résisteront pas à l’aplanissement du temps, pour devenir quasi folkloriques pour les français autochtones et sans effets politiques.

Les musulmans de France seront donc, soit la cause du nouveau rayonnement international de la France par sa politique musulmane ou alors la source de séparatismes et de conflits, qui amèneront de fait à la communautarisation généralisée, ethnoreligieuse avec toutes les tensions et l’affaissement intellectuel qui en résultera.

Nous sommes à la croisée des chemins, il faudra choisir, re-migration, communautarisation ethnique sous prétexte religieux, ou assimilation.

Nous sommes tels les compagnons du Prophète de l’islam, au VIIème siècle, musulmans originels, arabes bédouins au cœur de la puissance perse, chinoise, ou indienne.

Allons-nous faire disparaître l’identité ethnoculturelle du bédouin arabe, pour léguer l’universel de l’islam au peuple endogène, ou voulons-nous arabiser et « bédouiniser » les perses, les chinois ou les indiens ?

Les premiers musulmans ont su dissoudre leur ethnicité et culture d’origine, pour ancrer l’islam chez les peuples anciens.

Allons-nous réussir le même défi ?

Ce sont nos enfants qui décideront, mais c’est nous qui ouvrirons le débat.


Paris le 08 janvier  2019.

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1 Inch'allah : l'islamisation à visage découvert . Gérard Davet, Fabrice Lhomme Fayard 2018


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